17 – Le casse-tête des eaux usées
De tous temps, les images d’eau sale semblent avoir collé au Vieux-Port de Marseille, comme si la ville entière s’était toujours généreusement déversée dans son berceau. Une réalité ?
Presque. D’après les fouilles archéologiques, la ville a quand même disposé d’un réseau d’égouts enterrés dès le IIIe siècle avant notre ère. Des tronçons ont d’ailleurs été identifiés sous les caves Saint-Sauveur (place de Lenche) et dans le secteur de la Bourse. Massalia aurait donc été donc la première ville de Gaule, à avoir disposé d’un réseau d’assainissement.
En revanche, tous les historiens s’accordent pour dire qu’après la période d’influence grecque, puis romaine, la ville a abandonné l’entretien du réseau d’assainissement et on peut avancer que pendant près de vingt siècles, le Vieux-Port a directement servi d’égout principal.
Tous les écoulements de la ville aboutissaient là. Comme la calanque n’était pas très profonde et que tous les rejets s’y accumulaient, il fallait procéder régulièrement à « la cure du port » à l’aide de godets qui draguaient le fond et ramenaient à la surface… ce qu’on allait jeter à l’eau un peu plus loin.
En clair, tout partait à la mer. Pour s’éviter les corvées de ‘’tinette’’, beaucoup de ménagères vidaient sans vergogne leurs excréments par les fenêtres, en prenant soin de faire précéder le jet malodorant du fameux cri : « Passarès ! » qui prévenait le passant de s’abriter au plus vite dans une encoignure de porte. La pente naturelle des rues en forme de rigole entraînait le tout et pour éviter de patauger, surtout par temps de pluie, mieux valait marcher sur les côtés, c’est-à-dire les parties hautes de la rue. D’où l’expression « tenir le haut du pavé », privilège réservé aux nantis.
En 1981, on dégaine l’arme absolue pour la qualité de l’eau : le traitement à l’ozone. Et par deux fois, le magazine « Ça m’intéresse » aboutit à la même conclusion dans son comparatif sur les eaux distribuées au robinet : c’est à Marseille qu’on boit la meilleure eau de France.
Il reste malgré tout un souci : la sécurisation de la ressource. L’alimentation de la ville dépend en effet d’une seule source d’adduction : le canal de Marseille. Que se passerait-il en cas d’incident sur le cours de la Durance ? Le maire, Gaston Defferre, s’inspirant de son prédécesseur Maximin Consolat, lance alors les travaux de l’adduction de l’eau du Verdon par le canal de Provence.
Depuis 1973, la branche Nord de ce canal fournit une alimentation qui permet au Vallon Dol de stocker 3 millions de mètres cubes d’eau brute, faisant ainsi de Marseille la seule ville au monde disposant de trois semaines de réserve. En comparaison, Paris ne dispose que de 36 heures.